
Le Marocain et la danse classique : je t'aime moi non plus
Entre jugements et stéréotypes, les hommes ont souvent du mal à se placer dans le monde typiquement "féminin" de la danse classique, surtout au Maroc.
La danse classique rime souvent avec tutu rose et filles toutes fines en train de se trémousser sur une musique typique du lac des cygnes. Un scénario aussi bonbon que féminin digne d'une activité où grâce et souplesse sont à l'honneur. Une activité exclusivement féminine ou les hommes n'ont rien à faire. En même temps, le ballet c'est pas très viril. Un homme, un vrai, doit être dur, fort, robuste. La danse classique est beaucoup trop douce pour lui. Il lui faudrait plutôt des sports plus agressifs comme la boxe, le foot, ou mieux encore le rugby. Beaucoup de transpiration, des coups à tout va et des cris de partout. Voilà ce qu'on peut appeler un sport d'hommes. Cliché tout ça ? Et bien, tant s'en faut. Autant d'idées archaïques et de stéréotypes sexistes ancrées dans les cultures et les inconscients.
Une activité "purement féminine"
Pourquoi aller bien loin ? Prenons l'exemple du Maroc. La danse classique est automatiquement une discipline pour filles. Ça commence dès l'enfance : pour la fille ce sera le ballet après les cours, pour le garçon ce sera le foot, ou n'importe quel sport pourvu que ça soit viril. Penser, ou même envisager, qu'un garçon, ou un homme, puisse s'adonner à cette activité "purement féminine" est inconcevable. On en viendrait même à remettre en question sa sexualité.
Pourtant, bien que peu nombreux, il en existe des Billy Elliot au Maroc. Des capacités qui évoluent dans l'ombre certes, mais qui sont là. Soufiane en est l'un deux. Ce jeune marocain de 21 ans, originaire de Casablanca, a longtemps hésité avant de se confier sur sa passion, et même la pratiquer. "J'ai commencé la danse classique il y a tout juste un an. J'ai toujours apprécié ce style. Mais j'avoue que ça a été très difficile pour moi au début. D'ailleurs, même pour en parler aujourd'hui j'ai du mal. Vous savez au Maroc quand vous dites à quelqu'un que vous faites du ballet, il vous imagine tout de suite en tutu rose. Alors que non, vous pouvez faire de la danse classique tout en restant "homme". Et c'est ce que la plupart des gens ne comprennent pas." Soufiane n'est d'ailleurs pas le seul. Beaucoup d'autres marocains ont choisi ce sport, mais préfèrent le pratiquer dans l'anonymat. "Avant d'intégrer ce milieu, je pensais que j'étais le seul homme à aimer la danse classique. Mais il faut savoir qu'il y a beaucoup d'hommes qui font ça au Maroc, malheureusement dans l'ombre. Certains le font même sans le dire à leur famille par peur des réactions. C'est vraiment dommage", ajoute-t-il. Une déclaration qui ne fait que corroborer les propos que nous avons avancés au début. Malheureusement, face à un regard intransigeant et jugeur, plusieurs Marocains préfèrent rester dans l'ombre. D'autres, moins courageux, n'osent même pas franchir le pas et se cachent derrière des sports "virils" pour satisfaire une société qui baigne dans une culture d'aprioris et de sexisme.
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Lahcen Zinoun, premier Marocain à avoir étudié la danse
Certains Marocains ont quand même pu vivre pleinement leur passion et s'y imposer, cependant à l'étranger. Lahcen Zinoun réalisateur, chorégraphe et metteur en scène est considéré comme le premier Marocain à avoir étudié la danse et à l’avoir exercée en professionnel. Il a été danseur étoile dans le Ballet royal de Wallonie en Belgique. Bien qu'il ait été la proie de plusieurs détracteurs au Maroc auxquels, disons-le, il n'a pas été indifférent, Lahcen a quand même pu frayer une petite place à cette discipline. Après plusieurs spectacles et représentations dans son pays natal, il fonde, en 1973, son école et sa troupe de danse, intitulées le Ballet Zinoun à Casablanca. Ses deux fils, Kaïss et Chems Eddine, ont suivi les pas de leur père. Ils sont tous deux danseurs et professeurs de la discipline. Zinoun raconte son incroyable parcours et sa passion pour la danse, survenue à l'âge de 10 ans, dans son livre "Lahcen Zinoun ou le corps libéré".
Légende image principale: Lahcen Zinoun