"Jouk Attamtil Al Bidaoui", la troupe qui a révolutionné la Aita

"Jouk Attamtil Al Bidaoui", la troupe qui a révolutionné la Aita

La Aita est leur cheval de bataille, les Cheikhates sont leurs muses. Ils se sont réunis avec un seul et unique objectif : réinventer les arts de scènes populaires et revaloriser le patrimoine culturel marocain. Portrait du "Jouk Attamtil Al Bidaoui".

Ils sont 12. Ils sont comédiens, chanteurs et musiciens. Tous des hommes issus du monde du théâtre. Leur objectif : faire ressusciter l'art de la Aita, et les chants des Cheikhates. Comment ? Grâce à Jouk Attamtil Al Bidaoui. Une troupe créée en mai 2016 et grâce à laquelle ils ont développé un concept des plus remarquables : Kabaret Cheikhate. Un spectacle dans lequel le groupe de jeunes hommes reproduit les chants les plus mythiques de la Aita, avec une pointe d'originalité. Au programme : des chansons de grandes légendes comme Fatna Bent Lhoussine, Hajja Hamdaouia, Kharboucha ou encore Bouchaib El Bidaoui, mais aussi des reprises en Darija de Brassens et des adaptations de pièces de théâtre comme “Songe d’une nuit d’été” de Shakespeare.

Une pièce de théâtre dépoussiérée

L'idée de créer la troupe est venue du musicien et metteur en scène Ghassan El Hakim. Grand amoureux de la scène et de la Aita, il fait d'abord des études de théâtre à l'ISADAC, avant de partir en France pour passer une année au Conservatoire d’art dramatique de Paris. Il prépare en parallèle son master sur l’histoire du théâtre marocain à l’université Paris 8. Une fois rentré, il décide de créer, avec une amie, Parallèle, une école d’art à Casablanca, et monte sa troupe de théâtre. C'est à partir de là que l'histoire du Jouk et de Kabaret Cheikhat commence.

À la base, le Kabaret n'était qu'une pièce de théâtre sur des hommes voulant devenir chanteuses populaires. Mais la pièce n’a jamais vu le jour. Ghassan El Hakim a donc eu l'ingénieuse idée de la transformer en un spectacle de Aita. Et aujourd'hui, ils sont une douzaine à militer pour la reconnaissance de cet art. 

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Des hommes "Cheikhates"

Et qui dit spectacle de Aita, dit bien évidemment Cheikhate et donc costumes. Un point auquel le groupe veille au grain. Tous les garçons doivent se déguiser : maquillage, perruques, caftans dorés, gandouras multicolores, foulards, robes, talons, bas nylon. Rien n'est laissé pour compte. Certains se font même des tatouages traditionnels, ou wsham, au crayon. Et bien sûr, la danse est un élément très important d'un spectacle de Aita. Les comédiens n'hésitent pas à se déhancher sur les rythmes des taârijats, des bendirs et des derboukats. Même de l'encens est allumé dans la salle avant la performance pour créer une vraie ambiance de spectacles chaâbi.  

Redorer l'image de la Cheikha

Depuis sa création, la troupe essaie de dépoussiérer l'art du Chaâbi marocain, souvent associé à une culture marginale, et de lui redonner de la valeur. Mais c'est surtout pour redorer l'image de la Cheikha, qui avec le temps a pris une connotation péjorative. En effet, au-delà du mythe de la Cheikha bien en chair et aux mœurs légères, les Cheikhates d'antan étaient des résistantes, des femmes de pouvoir, respectées dans leurs tribus chantant pour l'amour, la paix mais aussi et surtout pour lutter contre le protectorat. Et c'est cette idée en particulier que Kabaret Cheikhat tient à véhiculer. Pour ce faire, le groupe n'hésite pas à faire le tour du Maroc pour se produire. 

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Une atteinte à la virilité ? 

Dans une société comme la nôtre, où les dictats de la masculinité et de la féminité sont maîtres, se déguiser et danser comme des femmes n'est pas très bien vu pour un homme. C'est même une atteinte à sa virilité. Beaucoup de personnes ont encore du mal à faire la part des choses et à distinguer entre le personnel et le professionnel. C'est pourquoi, depuis ses débuts le groupe a reçu de nombreuses critiques. "Quand on nous voit surgir sur scène, il y a comme un choc visuel chez les gens. Ils restent bouche bées. Certains nous lancent des paroles blessantes, histoire de toucher à notre virilité. Mais quand on commence à jouer, tout le monde oublie et on s’amuse", avait déclaré Ghassan El Hakim pour Jeune Afrique.

Heureusement, le public peut être conditionné. Et, avec le temps, l'idée d'un Jouk d'hommes déguisés en femmes n'est plus aussi choquante. Aujourd'hui, la troupe rencontre de moins en moins de difficultés et est même parvenue à se faire un nom dans le monde artistique aussi bien au Maroc qu'à l'étranger. Mais, les jeunes hommes ont encore beaucoup d'ambition et de projets et compte bien les réaliser. Des projets nombreux certes mais avec un seul objectif : donner une seconde vie à l'art populaire et honorer le patrimoine marocain aussi bien matériel qu'immatériel.

 

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Légende image principale: h24info.ma

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