Portrait : Abdelkebir Jaddi, le champion de la rue

Portrait : Abdelkebir Jaddi, le champion de la rue

De champion paralympique marocain, à vendeur de charbon et d'oignons, retour sur le malheureux parcours de Abdelkebir Jaddi.

Au Maroc, il ne suffit pas d'avoir du talent pour percer dans le milieu sportif, il faut aussi avoir un peu de chance, et beaucoup l'argent. Cette phrase, Abdelkebir Jaddi la connait très bien, parce qu'elle résume le parcours de sa vie. Un parcours semé d'embuche.

Issu d'une famille modeste de la ville de Témara, Abdelkebir perd sa main droite suite à une brulure de troisième degré causée par un câble électrique. Mais, la vie ne s'arrête pas pour lui. Au contraire, il profite de son infirmité pour devenir athlète paralympique spécialiste du saut en longueur et du triple saut. Déterminé, il enchaîne les entrainements malgré ses problèmes financiers et le nombre de difficultés auxquelles il doit faire face. Après avoir participé à quelques compétitions nationales, il prend part en 2017 aux Jeux de la Francophonie organisés en Côte d'Ivoire. Ses efforts portent leurs fruits : il décroche la médaille d'or en saut en longueur avec un saut de 5m79. Abdelkebir voit alors les portes s'ouvrir devant lui, il rêve de son avenir, de ses futurs sacres et des 10.000 dirhams de prime promis.

A sa rentrée, rien de tout ça. Il frappe à toutes les portes possibles, mais silence radio. Les "sir hta tji" commencent à se faire nombreux, et Abdelkebir a besoin d'argent pour s'entrainer mais aussi pour vivre. Avec un père travaillant dans un bain maure et une mère femme de ménage à temps partiel, les fins de mois sont difficiles. La solution pour Abdelkebir : monter son propre "projet". Et si ce mot rime pour certains avec startup ou magasin, pour Abdelkebir ce sera une petite table où il vendra... du charbon et des oignons.

Lui qui a tout fait pour vivre de son talent, qui a surpassé des obstacles pour avoir cette chance de participer à une compétition de renommée, se retrouve à vendre des oignons et du charbon pour vivre. Pourquoi ? Car personne n'a estimé nécessaire de s'intéresser à lui, de lui donner sa chance... Est-ce parce-que nous pensons que le Maroc dispose d'un nombre de champions suffisants ? Ou est-ce parce que le sport marocain a atteint son apogée et n'a plus besoin de "recruter" ? Ou encore parce qu'il y a des sports et des sportifs plus importants auxquels on devrait s'intéresser ? Des questions qui resteront toujours sans réponses. Face à cette négligence, des talents s'éteignent chaque jour par manque de moyens et d'opportunités, par rejet d'instances qui "n'ont pas les moyens". Pourtant, ces mêmes instances ne se gênent pas de sortir le chéquier quand "il le faut vraiment".

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Des Abdelkebir Jaddi nous en voyons chaque jour. Il y a les chanceux qui s'envolent pour l'étranger et entament une vraie carrière. et les autres qui n'ont d'autre choix que d'abandonner. Et vu la détermination d'Abdelkebir Jaddi, il fera peut-être bientôt partie des chanceux.

En tout cas une chose est sûre, si le Maroc continue sur cette voie, nous perdrons bientôt tous nos talents. Si ce n'est déjà trop tard...

Légende image principale: le360.ma

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